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Magie blanche traditionnelle en Corse : l’ochju

Le pape François se rend en Corse pour clôturer un Congrès sur la religiosité populaire. Celle-ci peut aider à exprimer la foi véritable, comme elle peut ancrer dans des superstitions magico-religieuses... C'est le cas de l'ochju. Voici deux articles de presse que je transmets tels quels, et quelques vidéos pour vous familiariser... La conclusion se trouve en bas de la page.   D.A.


« L’Ochju, le mystère d’une prière contre le mauvais œil qui a traversé les siècles« 

L'ochju reste une croyance populaire en Corse. • © Yann Benard / FTV. Écrit par Axelle Bouschon. Publié le 28/10/2024

En Corse, la prière de l’ochju, visant à chasser le mauvais œil, se transmet de génération en génération. Une tradition ancienne bien ancrée dans le patrimoine insulaire, et qui a connu des modifications dans ses formules, son processus et sa transmission au fil des ans.

Assise dans son fauteuil en velours vert, Marcelle Mattei inspecte avec attention le contenu de l’assiette creuse posée sur sa petite table en bois. « Les gouttes d’huile se sont un peu dispersées. Vous avez peut-être un peu le mauvais œil. On va recommencer pour vérifier.« 

Minutieusement, la signadora reprend le rituel, récite à voix basse la prière, fait le signe de croix, trempe son petit doigt dans l’huile et en disperse plusieurs gouttes à la surface de l’eau dans le récipient. Cette fois, le corps gras reste comme figés dans l’eau, sans se diluer. Elle hoche la tête, satisfaite, trace un signe de croix du bout du doigt dans l’eau. « Ça y est, l’ochju est fait. Si vous en aviez un peu, il va partir, ça ira mieux désormais. » 

Marcelle Mattei a 90 ans. La prière de l’ochju, c’est son père qui lui a transmise, un soir de Noël, il y a de ça 75 ans. Neuvième de dix enfants, ils ne sont que quelques-uns de la fratrie à l’avoir apprise, « seulement ceux qui le voulaient, explique-t-elle. Ma petite sœur, par exemple, n’en avait pas envie, alors mon père ne lui a pas récité. Mais moi, ça me tentait.« 

Très pieuse, l’alors adolescente voit cela comme un complément à son éducation et ses croyances religieuses. « Je n’ai pas eu de mal à la retenir, assure-t-elle. J’ai une bonne mémoire. Encore aujourd’hui, je peux réciter toute la messe !« 

Mauvais œil

En Corse, l’ochju, ou le mauvais œil, fait partie de ces traditions immatérielles transmises de génération en génération. Manifestation d’une mauvaise influence, née d’une forte jalousie ou d’une admiration néfaste, l’ochju se manifeste par des violents maux de tête, des nausées, une importante fatigue ou encore une malchance récurrente. Pour ne plus en souffrir, un seul remède s’impose : la prière délivrée par une signadora ou un signadoru.

La prière de l’ochju n’est pas la seule qui existe sur l’île. D’autres variantes visent à guérir ou tout du moins à soulager des insolations, des brûlures, ou encore de la sciatique. Mais elle est celle « qui s’adresse au plus large public et que l’on connaît le plus« , indique Linda Piazza, directrice de la bibliothèque patrimoniale de Bastia, et particulièrement au fait des rites magico-religieux insulaires. 

Une prière toujours à visée bienfaisante, mais qui selon les micro-régions, les communes, et même selon les foyers, n’a pas tout à fait les mêmes formules. « Chaque signadora ou presque a sa propre prière« , explique Linda Piazza.

La tradition veut que celle-ci soit récitée à la personne qui souhaite l’apprendre, le soir de Noël, après le septième son de cloches de la messe de minuit. « Si la personne qui la reçoit ne l’apprend pas ce soir-là, alors c’est terminé. Elle ne pourra pas réessayer une seconde fois, même un autre soir de Noël de la retenir, parce que le don ne serait pas transmis, précise-t-elle. C’est une fois ou jamais.« 

Mais avec le temps, le processus de transmission s’est par endroits assoupli. « Certaines personnes écrivent la prière pour pouvoir la retenir, se l’envoient même par message téléphonique, glisse Linda Piazza. Moi, je ne sais pas trop ce que j’en pense, puisque traditionnellement, tout doit se faire uniquement oralement. Mais de plus en plus de gens font usage de ces nouvelles méthodes. « 

Une tradition ancienne remise au goût du jour

Eu égard de ces évolutions dans les pratiques et l’apprentissage de la prière, peut-on encore parler du même rituel de l’ochju, ou en existe-t-il désormais un tout nouveau, qui n’aurait finalement que son nom ou presque de commun avec l’ancien ? Pour Davia Benedetti, maître de conférences en anthropologie, et co-autrice de l’ouvrage « Ochju, malocchio, mal de ojo : mauvais œil et autres pratiques magico-religieuses en Méditerranée », si la forme a changé, « on voit tout de même que le fond reste toujours. »

Qu’on soit particulièrement pieux, catholique non-pratiquant ou non-croyant, le rituel de l’ochju, « syncrétisme entre pratique populaire, ou païenne, avec des pensées magiques, et la religion catholique« , reste encore aujourd’hui bien ancré dans le patrimoine insulaire, même parmi les plus sceptiques sur ses pouvoirs et vertus, note l’anthropologue.

Des croyances qui sont aujourd’hui comme « réappropriées » par la population, au travers les arts, dans la littérature, la chanson, mais aussi « dans le spectacle vivant, la danse, le cinéma ou encore les jeux vidéos. Il est très intéressant de voir à quel point ces traditions anciennes influencent encore et amènent une source de création et d’inventivité pour des langages artistiques« . La preuve, sans doute, « que tout cela continue de fasciner, et répond à un besoin de spiritualité dans la population, peut-être de rêve, aussi.« 

Faire perdurer ces rites est aussi une façon, estime Davia Benedetti, « de combler les angoisses, angoisse existentielle, de la mort, la finitude, le rapport aux crises ou aux mutations. Nous sommes dans une société de l’hyper. Peut-être avons-nous besoin d’expliquer différemment ce que la science et l’analyse ne nous permettent encore pas de comprendre.« 

Rituel populaire mais de plus en plus délaissé pour certains

Reste que pour Marcelle Mattei, si l’ochju et les signadori et signadore n’ont pas été oubliés, le passage du temps a profondément changé son impact sur la population insulaire. Plus jeune, se souvient-elle, « je le faisais assez souvent pour mes amis qui venaient me voir quand ils étaient troublés. Mais maintenant, les gens ont tout ce qu’il faut. Quand ils sont malades, ils appellent un docteur et se font évidemment soigner, ce qui est facile puisqu’il y a désormais des cabinets à chaque coin de rue et tous les moyens de transport qu’il faut pour se rendre à un examen. Alors ils n’ont plus besoin de l’ochju.« 

Rares sont aujourd’hui les personnes qui viennent demander à la nonagénaire, ou aux signadore qu’elle connaît, de se faire enlever l’ochju. « Les quelques derniers qui le font sont les personnes âgées. Les jeunes n’y croient plus du tout.« 

Dans sa famille d’ailleurs, ni sa fille, ni son petit-fils n’ont souhaité apprendre la prière. « Quand je l’ai proposé à ma fille, elle m’a dit : « Oh, maman, ce sont des bêtises d’avant ça, mais maintenant, ça n’existe plus« . Pourtant, nous, nous y croyions plus que tout.« 

Pas de quoi démoraliser Marcelle Mattei pour autant. « Bien sûr, ça m’aurait fait plaisir qu’elle l’apprenne. Mais ça ne me fera pas changer d’avis. Quand je me fais pour moi-même la prière, j’ai la sensation d’être mieux après. » Et c’est bien assez suffisant pour lui permettre de continuer d’y croire, aujourd’hui comme demain.



« Signadori, sfumatori, ochju, la Corse entre croyances et magie blanche« 

En Corse, les croyances, rites et prières sont nombreuses et remontent à des temps très anciens. • © Yann Benard / FTV. Écrit par Axelle Bouschon et Yann Benard. Publié le 29/10/2024.

Terre de croyances, la Corse regorge de légendes et traditions, notamment magico-religieuses. Linda Piazza, directrice de la bibliothèque patrimoniale de Bastia, fait le tour de ces histoires et pratiques qui composent le patrimoine culturel insulaire.

Comment distinguez-vous ce qui tient de la légende et ce qui correspond au patrimoine culturel et traditionnel de la Corse ? 

Linda Piazza : Pour moi, dans le domaine des traditions magico-religieuses, il n’y a pas de légende. Ce sont des traditions qui sont propres à notre culture, à notre patrimoine. Il y a des histoires autour de cela qu’on a pu raconter, mais ce ne sont pas des légendes.

Parmi ces pratiques magico-religieuses, on retient notamment l‘Ochju, la plus connue…

Linda Piazza : C’est celle qui s’adresse au plus large public, que l’on effectue et qu’on transmet en Corse depuis la nuit des temps, généralement en famille. Ce que l’on connaît moins, ou moins bien, c’est comment on doit l’apprendre.

Normalement, une signadora qui apprend la prière de l’Ochju doit l’apprendre d’une manière intime. C’est-à-dire qu’elle doit se faire connaître au dernier moment, le soir de Noël, après le septième son de cloches de la messe de minuit. Le chiffre sept est très important, parce qu’il est magique.

Mais surtout, la signadora et la personne qui reçoit la prière doivent être à jeun, du matin jusqu’à la réception de la prière. La prière ne doit surtout pas être écrite, mais uniquement orale et en corse. On y fait toujours appel à au moins trois noms de Saints.

Cette prière, elle n’est pas unique : dans chaque région, chaque signadora ou presque a la sienne. Son objectif est bien sûr d’enlever le mal. Mais surtout pas de le causer, parce qu’il peut y avoir également la volonté d’envoyer un mauvais sort, il ne faut pas l’oublier.

Enfin, il y a la question de comment on met cette prière en pratique : on la réalise dans une assiette creuse et blanche, sur laquelle il ne faut pas qu’il y ait de motifs, et avec de l’huile, de l’eau, et bien sûr le signe de croix et la prière. On peut aussi le faire « à sec », en intervenant directement sur la personne, et si elle n’est pas présente, avec un vêtement qu’elle a porté ou par le biais d’une photo.

Quelles sont les autres prières que peuvent connaître et transmettre les signadore ?

Linda Piazza : Je pense par exemple à la prière de l’insolation, à celle des brûlures. Elles s’apprennent au soltice d’été, c’est-à-dire le 21 juin, à la Saint Jean. J’ai assisté à quelqu’un dont le mollet avait été brûlé par le pot d’échappement d’une moto, et une signadora qui connaissait la prière des brûlures était présente. La personne blessée n’a pas eu de rétractation de peau et le membre a pu être sauvé.

Et on va plus loin dans la démarche par rapport aux soins, parce que les signadore sont là pour accompagner, voire sauver, selon les prières apprises. Il y a par exemple, pour n’en citer que deux, le point de sciatique, qui permet de soigner ce mal, et qui est désormais reconnu en médecine.

Et pour les femmes qui vont accoucher et pour qui ça ne se passe pas très bien, avec l’accord du corps médical, il y a ce qu’on appelle les nœuds de Sainte-Anne, qui se réalisent en neuf nœuds, avec des cordes en chanvre ou en lin. C’est impressionnant à voir : la femme enceinte se met dessus, et petit à petit la corde se défait toute seule et le travail avance. Une fois l’accouchement terminé, il faut brûler la corde. 

Il y a les signadore qui restent aujourd’hui bien ancrées dans la mémoire et les traditions, les mazzeri aussi… Quelles croyances sont plus tombées dans l’oubli ?

Linda Piazza : On peut citer les sfumatori par exemple. En Corse, quand on rencontre un enfant, généralement on lui fait les cornes. Autrefois, on lui crachait dessus, pour lui dire « Que Dieu te bénisse et qu’on te protège« . Dans le mot salive, il y a sauve, et c’est donc une attitude de protection. Mais on ne faisait pas que ça : on enfumait aussi les enfants, presque comme on le ferait pour les jambons !

On allumait un feu – un brasier évidemment -, avec des herbes sacrées, comme le romarin, le thym, l’arbousier, le buis, le laurier, et quand il y avait une fumée assez importante, on prenait l’enfant et on le faisait passer au-dessus de la fumée. Les personnes qui faisaient cela s’appelaient les sfumatori, et visaient à assurer le bon avenir de l’enfant, qui était ainsi protégé pour le reste sa vie.

Ces traditions et ces croyances n’ont pas et ne sont pas toujours bien vues par le clergé…

Linda Piazza : Il faut dire qu’elles contiennent une grande part de mystère. Nous sommes à un moment donné dans un registre qui est presque celui de la sorcellerie. Sorcellerie, c’est un mot dur, alors on parlera aussi et avant tout de magie blanche. Mais quand on emploie des fumées pour enfumer un enfant, même si c’est pour le protéger, quand on fait des prières pour atténuer ou faire disparaître une brûlure… Cela peut y faire penser.

Bien sûr, tout est une question de croyances. Moi, j’ai vu de mes propres yeux une prière faire disparaître une insolation pour un petit qui devait être amené à l’hôpital et pour lequel l’ambulance n’arrivait pas. Une signadora qui connaissait la prière lui a fait. Elle a pris un verre et mis de l’eau dedans, et l’eau a commencé à bouillir comme si on l’avait mise sur le feu.

Je peux comprendre que le clergé, quand on a recours à ce genre de pratiques, les condamne un peu, parce que nous sommes face à une frontière très tenue avec ce qu’on considère comme de la sorcellerie.

Mais en même temps, ces gens qui font les prières sont aussi des gens très chrétiens qui vont à l’Eglise. Dans les prières, on l’a déjà dit, il y a les noms d’au moins trois Saints. Nous avons des périodes de notre histoire où ces pratiques étaient moins tolérées qu’à d’autres. Mais en Corse, et c’est intéressant de le noter, il n’y a jamais eu de procès pour sorcellerie. On voit tout de même que les choses évoluent désormais. Le cardinal François Bustillo est très ouvert d’esprit, tolérant et compréhensif sur nos pratiques.





IL NE S’AGIT PAS DE PRIÈRE, MAIS DE DÉMARCHES DE CONJURATION, IL S’AGIT DE MAGIE BLANCHE.

MALGRÉ TOUT LE DÉCORUM RELIGIEUX, IL Y A COMPROMISSION AVEC DES FORCES OCCULTES.

MALGRÉ TOUT L’ENRACINEMENT LOCAL ET CULTUREL, LES CHRÉTIENS VÉRITABLES DEVRAIENT REFUSER CE TYPE DE PRATIQUE ET LA DÉNONCER…


Allez, un peu d’humour pour terminer…

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